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La douce vie le long du Pô


La viafrancigena, la Lombardie.


Vous parler des rizières c’est décrire un monde en duochrome. Tout autour de nous est vert, avec des nuances de vert… La terre est plate ici (au premier degré de la langue française, comme au second degré de la langue québécoise), et l’horizon se distingue mal entre les verts et le bleu du ciel. L’air est presque tropical entre la chaleur, l’humidité des champs et bien sur, les moustiques! Je ne voulais pas parler nos petits malheurs en postant nos articles mais bien qu’ils soient petits, voir minuscules, ils sont une grosse nuisance dans notre paradis, de jour comme de nuit. S’en est fini de rêvasser en marchant ou en dormant. On ne compte plus les piqûres mais les rares espaces qui n’en comptent pas encore.

Le moustique était une rencontre attendu. Et bien que préparées, elle reste désagréable. Quand a celles inattendues, elles nous ont réservées que de belles surprises.

Peu de jours passent sans une marque de bienveillance, ou des sourires ou encore des cadeaux. Et parfois tout est réuni dans une même rencontre. Stefano, la quarantaine bien établie, vit au gré des saisons, l'hiver conducteur de chasse neige et l’été gardien de l’embarcadère du fleuve. On s’est renseigné pour trouver un endroit où dormir et il nous a invité à partager le repas, les boissons locales, une douche, en un mot: l'opulence. Pour parler encore de sa générosité, il nous a offert un couteau de chasseur (il était très inquiet de nous savoir seules sur la route) et avant de nous coucher dans son jardin, il nous a promené sur sa barque. A contre courant le moteur faisait voler l’embarcation sur l’eau et l’air devenait enfin frais. Au retour nous nous laissions ramener tranquillement par le courant, clôturant quelques discussions philosophiques malgré notre italien approximatif. La Lombardie est pleine de surprises.


Khali se porte à merveille. Encore une fois il s’est habitué plus vite que nous à notre rythme de nomade. C’est qu’il a de quoi mesurer sa chance. Dans chaque village que nous traversons, une même musique disonne. Celle des chiens, omniprésent dans toutes les maisons, en aboyant à notre passage. Ils sont fous. Tournent sur eux mêmes, sautent contre le portail et à l'unisson ils crient leur détresse de ne jamais franchir les limites du jardin. Ah oui le “chien est à la mode” en Italie mais il reste un objet de consommation, pas mieux traité qu’un poisson rouge dans son bocal.

Parmi les embûches canines du voyage, Khali nous a fait l’honneur de nous mettre face à quelques difficultés. Notre chien, sang mêlé de retriever et de braque allemand, sentait le faisan ou une autre volaille sur l’autre rive du canal que nous longions. Il se met à l’eau et je le vois nager avec obstination vers un bosquet encore frétillant du passage du gibier. Il atteint la rive, s’engouffre dans les ronces. Je ne le vois plus. Quelques rappels plus tard, le voici essayant de retourner dans l’eau mais ses sacs sont mêlés aux ronces et à la végétation bien fournie. Il est donc dans l’eau, en train de nager sur place, les branches le retenant prisonnier. Pas moyen de se dégager à la seule force de ses pattes palmées, il fallait intervenir. En sous vêtement et crocs avec un bâton pour jauger la hauteur d’eau saumâtre et l’épaisseur de la vase. Heureusement mes échasses me permettent de traverser le canal et de libérer le chien. Une chaussure a été perdu, un sac de riz soufflé noyé mais nous nous en sortons tous les trois.

Comme pour nous récompenser de nos émotions fortes, le village d’Orro Lita qui se trouvait à 10mn des évènements, nous accueillait chaleureusement. La fête du village battait son plein, l’hospice est magnifiquement confortable et le maire, amoureux de la langue française, nous offrait une coupure hors du temps. Lorsque toutes ces belles parenthèses se referment, le temps a continué son chemin et nous remet les pieds sur terre. Une décision pragmatique a dû être prise.


Puisque nous finissons notre parcours sur la viafrancigena et que nous avons 3 semaines de “retard”, nous devons faire un saut de puce mécanisé. En effet nous avons deux contraintes sur le parcours. L’une était de passer le col du petit saint Bernard sans neige. L’autre est de passer l’hiver le plus au sud possible. Je me fais peut être des idées, mais la perspective de passer l’hiver en Grèce est plus enthousiasmante que celle d’être encore dans les Balkans au mois de janvier. Ce sera, normalement, notre seul hiver un peu “frais” à passer et nous ne sommes équipées que pour cela. Donc nous prenons un train de Piacenza pour Venise. Je me justifie de cet écart à notre mode de vie car il me donne l’impression de tricher. Aussi cette décision nous semble raisonnable et je comprend que cette culpabilité nait d’une exigence envers moi même. Le travail sur le lâcher prise a encore du chemin à faire en notre compagnie. Ça tombe bien, la route est encore longue.


La Vénétie


Venise est une ville atypique, certes. Mais de la ville, elle ne garde que le nom car c’est plutôt un parc touristique. Il n’y a plus de vie vénitienne à proprement parler. Tous les gens qui habitent à Venise sont là pour assurer les services aux touristes. J’aimerai voir cette ville l’hiver et regarder les Vénitiens sortirent de leur cachette. Nous avons bien essayer de nous perdre dans les petites ruelles mais en vain. Nous étions sur les rails de l'attraction.

Le Vénétie est une région très riche. On fait cette conclusion à force de voir beaucoup de maisons bien entretenues avec un jardin so british. Elle aussi nous a apporté des rencontres uniques. Je repense à ses gardiens du parc qui nous ont délogées avec délicatesse, et comme pour s’excuser, nous ont apporté des sandwichs et des boissons s’assurant ainsi que nous étions en sécurité. Il y a Giuseppe qui s’occupe de la paroisse de San liberale. Après une nuit mouvementée par les orages, (Khali flottait sur son matelas sous la tente) nous sommes allées le voir le lendemain matin en quête d’un endroit pour faire sécher toutes nos affaires. Il nous a ouvert la paroisse, autorisé a dormir sous une tente montée à l’occasion de la fête du village et le soir il nous a apporté des pâtes délicieuses. Et puis il y a Viviana. Un personnage passionnée. Prof dans une salle de sport l’après midi, le matin elle s’occupe de son refuge pour chien. Nous passions par hasard près du refuge. Plusieurs personnes s’étaient arrêtés en route pour nous conseiller d’aller la voir. Khali a été reçu en prince. Elle voulait tout nous donner peu importe le poids à porter. Croquettes, harnais, pipettes anti parasitaire, serviettes, biscuit, tout. Et c’est en ce lieu, où cohabitent 35 chiens abandonnés, que pour la première fois nous avons pu discuter avec des femmes de notre âge.


Nos corps s’habituent de mieux en mieux à la marche. Nous marchons environ 5h par jour. Nous prenons le temps de nous étirer et de pratiquer notre reiki afin de maintenir un bon équilibre et nous dormons chaque nuit 8h régénératrices. Quand à nos coeurs ils  se renforcent chaque jour avec les souvenirs que l’on laisse derrière nous et la confiance des jours à venirs.


Le vénitienne julienne Frioul, la mer et les meilleures glaces de l’Italie.


La dernière quinzaine en Italie se passe entre montagne et lagune. Un territoire minuscule cerné par l’Autriche, la Slovénie, le golfe de Trieste. C’est une transition tranquille excepté les moments où l’on se retrouve dans le flux touristique. Déjà nostalgique de quitter l'italie, nous profitons de faire une halte chaque matin afin de déguster un bon café et l'après midi nous avions notre rendez vous sucré pour peaufiner notre découverte des secrets de la glace italienne. Nous venions à peine de reprendre la route après notre pause méridienne quand je me faisais doubler par un jeune homme à vélo. Curiosité attisée par notre “caravane”, il s’adresse a nous d’abord en anglais. Et c’est ainsi que nous avons rencontré Pierre, parti a vélo depuis Chambéry pour rejoindre Istanbul. Après ce préambule nous l'invitions à partager notre rendez vous sucré secret puisqu’une gelateria nous attendait a 50 mètres. Les glaces étaient à la hauteur de cette surprenante rencontre. Après concertation elles étaient les meilleures du voyage. Et cerise sur le cornet, elles étaient préparées vegan et avec  de la stevia. Les savoir faire ancestraux rencontraient les nouveaux modes de vie. Liés avec la gourmandise et le plaisir cela fait des choses exceptionnelles. En tout cas pour la glace, cela fonctionne.


Et c’est aussi dans cette quinzaine que l’on rejoint enfin la mer. Jusqu’à présent les locaux étaient formels au sujet des eaux qui bordaient leur rivage, c’était la lagune. Mais passé la moitié du golfe, la mer était au rendez vous même si elle restait farouche. Avec nos sacs et nos charrettes, pas facile de descendre ou de remonter les falaises dans les chemins abruptes. Au départ nous étions gourmandes d’avancer le long du littoral, puis la matinée à calmée nos ardeurs. Surtout quand il a fallu battre en retraite car la plage devenait un chaos minéral. Après 45mn d’alpinisme pour remonter près de la route on s’apercoit que la laisse du chien est restée en bas. Un aller retour plus tard, notre préparation physique atteignait son apogée et notre conviction d’attendre les littoraux plus dociles, aussi.

Et il a fallu attendre. Trieste pointait déjà le bout de son nez. Et les grandes villes sont pour nous une horreur à traverser. Nous avançons le plus possible mais quand la densité des voitures et du béton nous étouffent, nous prenons le bus, non sans mal, pour passer à travers les mailles serrées du filet citadin. Pour notre dernière nuit en Italie, nous avons posé nos bagages à 500m de la frontière slovène sur le parking du terrain de sport. Pas franchement agréable. Toujours et encore des moustiques. Et impossible de planter une pointe de sardine. La nuit s’annonçait compliquée. Mais Maria qui habitait a côté en avait décidé autrement. Venue à notre rencontre avec sympathie et quelques grappes de son excellent raisin, nous avons pu échanger une dernière fois en italien et nous oublions l’humidité de la nuit. Nous étions invitées pour le petit déjeuner le lendemain matin. Et voilà comment le ventre pleins, les yeux pétillants de gratitude et nos sacs remplis de vivres par les bons soins de Maria, nous avons quitté l'Italie. A la fois fières de nous, heureuses et excitées de découvrir une toute autre culture en Slavonie. Et ce n’est pas une erreur de frappe.

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Commentaires: 1
  • #1

    loïc AEDO (samedi, 02 mars 2019 22:57)

    Génial de vous lire les filles comme toujours.
    Kisss