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Comme un air de vacances

La mer a ses secrets. Hypnotisante et attirante et cela au petit matin quand elle est d’huile ou encore quand elle s’agite sans relâche. Elle nous emmène toujours loin. Lorsqu’on la regarde profondément c’est comme un vertige. Elle nous fait du bien. A la fin d’une journée de marche on la regarde avec désir car elle nous rafraîchirait et nous laverait de nos sueurs. Mais sans douche pour se rincer, son sel nous meurtri la peau. Khali a l’air de s’en accommoder aisément mais quand je le vois boire à pleine bouche un sentiment d’incompréhension m’envahit. D’une part je pensais que les animaux avait de l’intuition concernant leur bien être et d’autre part je constate que je suis passée lamentablement à côté de sa soif. L’eau, c’est notre nerf de la guerre. En Italie c’était facile, chaque village est bâti autour de sa fontaine. Mais en Slovénie ou en Croatie les fontaines ne fonctionnent plus. Beaucoup de maison sont des résidences secondaires désertées en cette saison et mise hors d’eau (plusieurs braquages ont été infructueux). Heureusement l’autochtone est impressionnée par nos deux mots croates parfaitement prononcés et ne nous refuse rien. Nous repartons toujours avec un petit plus. Du raisin, des figues, un coquillage, des pommes, etc…


Dès les premiers kilomètres en Slovénie nous avons changé nos plans. Notre itinéraire prévoyait de passer dans les terres. Très vite l'obsolescence des cartes dans cette zone nous fait tourner en rond. Un couple tranquillement installé sur sa terrasse nous interpelle. Ils parlaient très bien anglais, ce qui nous arrange car la langue slavone, à ce moment là du voyage, a elle aussi ses secrets. Autour d’un café, l’homme qui est chauffeur routier de métier nous conseille un autre chemin. Longer simplement le littoral car en Slovénie il est aménagé pour les piétons et les cyclistes uniquement. Ce fut un régal de marcher le long des plages sur une route asphaltée et sans bruit.



Nous avons ainsi rejoint la frontière croate en 3 jours de marche et commencé la descente vers Pula, tout au Sud de l’Istrie où nous avions rendez vous avec la sœur de Laura pour une semaine de “vacances”.



Avec la mer notre voyage a pris des airs de carte postale. Mais comme sur une carte postale il y a deux faces bien distinctes. Une Croatie a deux visages. Un pays qui avance à deux vitesses. L'héliotropisme a encore fait des ravages sur les rivages et dans les mentalités. Le croate affiche toujours un visage fermé. Puis il y a deux alternatives. Soit il travaille sur la côte, et saturé, son visage reste fermé voir dédaigneux devant nos maigres efforts linguistiques. Soit il mène une vie tranquille loin de l'opulence et des airs de supériorité des européens, et son visage s’ouvre avec son cœur, caverne balkane d’Ali babanovic (beaucoup de néologisme sont apparus durant les premières semaines d’apprentissage de cette nouvelle culture). Notre premier contact avec les croates a été mémorable. La cuite aussi. Après 3 heures de marche depuis la frontière nous nous sommes arrêtées dans un hameau d’une vingtaine d’habitants. Une petite exploitation d’huile d’olive et de vin blanc ouvre son comptoir pour les copains du coin. Tables et bancs massifs à l’ombre d’un châtaignier. Un peu surpris que nous soyons à sa table, le patron nous fait comprendre qu’il n’y a que du vin à boire. Dans cette région beaucoup de personnes parlent italien. Nous pouvons lui répondre qu'une dégustation serait la bienvenue. Il nous ramène donc une bouteille. Vaillantes nous l’avons dégustée jusqu’au bout, et avec la chaleur et notre maigre pique nique, l’ivresse bousculait les barrières. Notre pause gustative s’est transformée en un moment chaleureux et amical. La bouteille et les autres verres, c’était cadeau! Avant de repartir en zigzagant, nous avons même eu le privilège de goûter à sa dernière vendange datant de 10 jours. Je n’ai rarement goûter un breuvage au raisin aussi doux et subtil. Après une heure de marche je me suis affalée au bord de la route pour faire une sieste et Laura décuvait, elle aussi, à l’ombre des chênes.

Marcher au bord de la mer, c'est presque confortable, excepté pour notre bourse car les prix sont exorbitants par rapport au reste du pays. Nous pouvons certains soirs nous arrêter dans des campings pour prendre une douche, il y a des épiceries et beaucoup de personnes parlent anglais. Du grand luxe. Mais les vrais richesses pour nous sont au milieu de la campagne du pays. Certes il faut parfois deux jours de marche avant de croiser quelqu’un, anticiper sur notre autonomie (je pense surtout au sac de croquettes pesant 2kg voir plus) et se contenter d’une toilette superficielle, mais nos odeurs n’ont jamais désappointé les croates. C’est d'ailleurs dans l’arrière-pays de Zadar que nous avons été hébergé chez l’habitant pour la première fois depuis que nous sommes parties.

D’un commun accord tacite, gîte et couverts étaient offerts contre quelques leçons d’anglais. Milka est la patronne de la maison et comme beaucoup de femme balkane elle a cette élégance naturelle. Elle désire approfondir son anglais afin de mieux recevoir ses futurs clients. Leur retraite étant insuffisante, le moyen de subvenir à sa famille c’est de proposer une location d’appartement pour les étrangers. Mile son mari est un fin cuisinier et bon vivant. Il ne parle pas un mot d’anglais mais il sait se faire comprendre. Il est pragmatique. Lana, leur petite fille vit avec eux, car sa mère vit à Zagreb et ne peut entretenir ses deux filles. Tous ensemble nous avons passé quelques jours exquis. 



Il y a un point sombre qui s’épaissit à mesure que l’on avance. Quelques choses répandues ci et là qui s’accumulent. Des débris de vie humaines standardisés défilent sous nos yeux depuis notre départ. Canapés, matelas, éviers, baignoires, pneus, des tonnes de plastiques. Si on devait les aligner les uns à côté des autres, ils formeraient une voie dont la limite est loin devant nous. Je parle des décharges sauvages, des canettes jetés par une fenêtre, des voitures qui ne fonctionnent plus, des blocs de ciments abandonnés. C’est affligeant. Manque d’infrastructures, d’éducation ou de rigueur, les explications sont  nombreuses mais aucune n'excusent.




Marcher est devenu une formalité mais une nouvelle donne a titillé notre sens de l’adaptation. Nos deux charrettes à quelques jours d’intervalles ont rompu. Il y avait déjà eu des réparations de faites mais là c’était irrévocable. Nous leur rendons hommage, à elles, ainsi qu'à leurs concepteurs, pour tout le soutien qu'elles nous ont apporté en ce début d’aventure. Elles nous ont permis de nous concentrer au départ sur l’organisation du quotidien sans souffrance lié au poids du sac. Nous avons pu partir avec du superflu, à la fois rassurant et à l’origine de quelques incertitudes. Finalement elles nous ont quittées au bon moment. Donc c’est le sac sur le dos que nous avançons désormais et la gestion du poids est devenue plus sensible. Pour nous aider, nous avons gardé un chariot où tout le matériel de camping, l’eau et les croquettes sont savamment agencés. Quant au reste des charrettes et bien nous les avons jeté a la mer pour ainsi respecter la coutume. 

Vous y croyez vraiment ?



Les kilomètres commencent à s’accumuler. Nous prenons le temps de nous reposer souvent. Nous avons l’opportunité de nous poser une dizaine de jours pour préparer les semaines à venir et laisser passer la tempête. Encore une fois, entre littoral et campagne il nous faudra choisir. Mais cette fois la douceur du rivage nous sera plus chaleureuse que les “djebili” entre quatre yeux. Si la langue d'Ivan Vucetic nous fait encore défaut, certains de ses compatriotes ont su facilement nous laisser quelques empreintes. Le langage du regard est universel.


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Commentaires: 8
  • #1

    delsante nicole (mardi, 30 octobre 2018 20:13)

    Bon courage les filles, j'espère que vous ne serez pas rattrapées trop vite par le mauvais temps parce-qu'ici ça a drôlement refroidi

  • #2

    Denise moenne loccoz (mardi, 30 octobre 2018 22:18)

    Récit et photos délicieux �merci pour le partage �

  • #3

    Alexia Rosotti (lundi, 05 novembre 2018 19:05)

    Au top les filles ! Gros bisous on pense fort à vous ���

  • #4

    DUFOUR Patricia (jeudi, 08 novembre 2018 18:49)

    Je suis votre aventure avec intérêt et émotion.
    Bon courage à vous trois !

  • #5

    Fanny by DKT (samedi, 10 novembre 2018 13:30)

    Salut les filles. Quel plaisir de lire vos mots si bien choisi. Votre périple est un roman! J'ai pu avoir des nouvelles en rencontrant tes parents au magasin Laura. Prenez du plaisir. See you

  • #6

    Amandine (mercredi, 28 novembre 2018 10:29)

    On voyage avec vous ! Quel périple !!
    Des gros bisous à vous 3 (et aux biquettes à venir ! ;-) )

  • #7

    Caroline (dimanche, 09 décembre 2018 19:10)

    Plaisir de vous lire et de vous voir ! Sans oublier celui de vivre les aventures de nos mascottes ... qu'Hervé diffuse sur le site du collège, en fidèle relayeur de leur périple !
    Ici le froid donne ses premiers signes et la longue période de journées à rallonge s'étire .... entre conseils et réunions en tous genres ... mais le verre de l'amitié autour du beaujolais nouveau, les petites douceurs du calendrier de l'Avent, le concours des casiers, la préparation de William à Question pour un Champion bis et autres petites attentions donnent à cette année une coloration très éloignée du violet !!
    Nous pensons bien à vous et continuons à vous souhaiter de belles choses pour nous faire voyager....

  • #8

    Sylvaine (jeudi, 24 janvier 2019 11:06)

    Les élèves de 3ème sont en pleine découverte de votre site...45 minutes de "pause" à le parcourir dans toutes ses dimensions...un chouette moment !