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L'auberge Albanaise

Cette fois ci, j'aborderai notre dernier épisode par un jeu. Celui qui lit, trouve les titres.  Nous avons glissé, entre les mots, des titres musicaux, greffes sonores sur les souvenirs des huits derniers mois. Alors si tu as du temps, repères-les et fais en une playlist. Viendra l'occasion de cuisiner pour tes “copains”, sert toi un verre et écoutes la playlist. Une sorte d'invitation à partager la soirée avec vous. Comme une soirée qui serait partagée avec nous. 

 

Car c'est comme ca que l'on vit nos soirées  désormais. À écouter de la musique tout en buvant du vin macédonien. Echanger quelques gros mots aussi. S'entendre dire qu'il y'a toujours quelque chose à voir beyond the sea et autres banalités. Préparer le dîner pour les gens de passage, ou pour les beggars qui à défaut d'avoir 5dollars en poche, ont du temps et entretiennent l'esprit de convivialité. Un tout autre quotidien. Comme un changement brutal de vie. A Durrës, la vie de volontaire à l'auberge est agréable. Tous les jours dimanche. La maison peut accueillir jusqu'à 32 personnes. Nous sommes actuellement 4 volontaires avec 3 voyageurs et cela fait un mois que nous jouons les tenancières de l'auberge en basse saison. Le maximum que l'on ai connu est 14 personnes dont 9 nationalités différentes autour de la table. Nous partons de nouveau marcher dans 2 jours. Nous nous y sommes senties comme chez nous. Un foyer vivant et coloré. Un sentiment d'apaisement. Sans fête de trop. 

Un mois que nous vivons avec la bienveillance collée à la peau dans un lieu avec des possibilités à l'infini.  Alors, j'ai du mal à me replonger, dans les derniers moments passés à la ferme. Pourtant il y a des mots de fierté. Je vais exposer les faits, de manière froide, car l'émulation du final n'était pas celle des au-revoir sentimentaux… 


Durant la dernière quinzaine à la ferme, le temps s'est accéléré au rythme des naissances des chevreaux. Nous avons assisté à dix-huit naissances pour neuf parités gémellaires. Un total de vingt-sept chevreaux dont quatorze femelles et treize mâles. Vingt-sept becs à nourrir toutes les quatre heures après avoir extrait le lait. De 5h à minuit, chaque minute ont été donné aux chèvres. Dommage que nous n'ayons pu assister à la naissance du veau qui viendra trois jours après notre départ (je suivais le dossier de près et me tenais encore aux nouvelles). Ce serait le petit chose manquant dans notre liste. 

Autre fait remarquable durant cette période.

Pendant 4 jours, la maison s'est improvisée en auberge de jeunesse, avec deux australiens et un hollandais venus en renfort. A leur entrée en scène, nous étions émotionnellement fragilisées, Get a long. Fatiguées et lassées. Nous arrivions au bout de deux mois en quasi huit clos avec six personnes. Huit sioux,  huit chiens dans une maison de 120 m2 pèsent après un certain temps. C'est mathématique. Nous étions dans nos têtes comme dans un scénario torturé digne de Dostoïevski. Ou un dogville balkanais. L'arrivée de ces trois personnes, fraîches d'exotisme et revigorantes, nous a réveillé. Dix jours plus tard, nous quittions notre heligoland,  l'esprit léger en appréciant les derniers instants. “La vie ne vaut rien”

Au moment de partir les élèves de Radovici nous ont confié le fruit de leur travail. Nous emportons quelques mascottes supplémentaires. Ils ont travaillé à ce que nous repartions un peu plus chargées. Surtout nous gardons le contact et nous avons semé quelques graines.

 

L'Albanie n'est pas reconnue pour assumer une femme qui dirait: “j'aime les filles”. C'est une jeune société encore traditionnelle. Et parmi ces traditions dans l'arrière pays se joue les derniers chapitres des Burnishas. Ce sont les femmes a qui on autorise de changer d'identité sociale afin de rééquilibrer la perte éventuelle du seul représentant masculin de la cellule familiale. Sans cela la famille ne peut survivre. La femme, d'argent deviendra la source. Crédible, seulement dans sa peau d'ours et sa virginité. 

 

Pour la première fois depuis notre arrivée dans les Balkans, on parle avec les locaux ouvertement de communisme.

Jusque-là ce mot était dissimulé entre les lèvres. Comme un talon d'Achille que l'on ne doit pas dévoiler. Aujourd'hui les autorités propagandent les travers de l'époque. Pour le peuple albanais il y a une divergence des opinions calquée sur la fracture générationnelle. 

 

Dans la rue, nous assistons à une autre fracture. Celle de l’opinion canine. L'opportuniste prédateur qui descend du loup. Quand on promène l'animal, nous accueillons les sourires comme on cueille les fleurs, aussitôt peut surgir la grenade, lancée par des yeux furibonds. 

 

Nous avons profité d'avoir un dogsitter pour aller prendre la température à Tirana, la capitale. Juste le temps de jouer les touristes avec une visite réglementaire du centre historique. La première marchandise touristique que l'on consomme, c'est ce qu'ils nomment “le communisme”. Je préfère l'appeler “l'ère Enver Hoxha”. En Europe le communisme est devenu le Walt Disney de l'horreur pour adulte Face Of danger. Cet amalgame entre communisme et dictature me fatigue.

 

A la chute desmurs, comme dans beaucoup de pays dans cette région, le capitalisme était leur High hopes. Avec l'arrivée de la banane et du coca-cola, tous ont perdu leur travail et les déchets  estampillent tranquillement les sols. Pour beaucoup d'Albanais, leur vie est clairement divisée en deux périodes et aucune des deux n'est la meilleure. A l'image de leur drapeau. Deux aigles regardant dans deux directions opposées. Aucun des deux n'attire l'autre car aucun des côtés n'est attrayant. 

 

A l'auberge nous avons aussi vécu 2 périodes distinctes. Une première avec des trentenaires puis avec des plus jeunes... Parmi les premiers, Rebecca et James sont un couple d'anglais qui voyagent en Van en Europe depuis dix mois et Léa, une suisse qui voyage seule au Moyen-orient et dans les Balkans depuis 6 mois. Très vite chacun a trouvé sa place dans l'équipe. Limite trop facile. La seconde période, nous étions accompagnées de River. Un anglais de 20 ans qui voyage seul depuis un an à velo ou en stop jusqu'à la mer de Crimée avec trois cents euros en poche. Il se tatoue avec son aiguille et a laissé sa patte sur le bras de Laura. Un petit rasta comme on devrait en rencontrer plus souvent. Aussi, Paris, tout juste 20 ans, australienne qui fait le tour de la vieille Europe avant de partir en amérique du sud. Elle commence toujours ses phrases en disant “in my life” avec un balancement de la tête accompagné d'une main nonchalante pour recoiffer ses blonds cheveux jamais coupés depuis l'enfance… Le tableau est complet et bien contrasté.

La première règle de l'hostel Durrës: “be happy”

La deuxième règle de l'hostel Durrës est “you have to be happy”

La troisième règle de l'hostel Durres c'est: “leave a piece of your soul inside”

Adieu tristesse,  le blizzard est parti. Nous étions trop repliées sur nous même mais nous voilà grandes à nouveau. 

Il y a un sujet de conversation et d'échange, récurrent, entre les nationalités qui se rencontrent. Ce sont les gros mots. Ces vilains mots que l'on retient plus vite que les autres. Qui nous aguérissent quand on a le courage la première fois de les dire devant “une grande personne”.

Ma mere la pute. Entendre notre “putain” national prononcé à l'anglaise c'est absolument délicieux “phhouten” or “phhoutine”.

Dans ces moments la chaleur humaine ravive parfois la lumière sur un visage familier. Il y a toujours cinq minutes où notre esprit n'est plus la. Wish you were here. Revenir doucement les pieds sur terre et apprécier l'instant présent. Ce pourquoi nous étions partis si loin en 5 minutes. 

 

Le temps est venu de retourner sur les sentiers pour une nouvelle saison de marche. Cet hiver était long et doux à la fois. Je me vois déjà au petit matin,  sac à dos de 17kg en place, mes lacets sont bien fait. Khali tend sa laisse au taquet. On attend Laura. Elle écoute “la Marcheuse”. Elle me dépasse et me dit en passant “On y va? “. Je pourrai lui répondre: “Enfin.” 

 

Je m'excuse d'avance pour cet exercice non maitrisé qui peut parfois écorcher la synthaxe. Et j'espère être arrivée à résoudre toutes mes impasses avec fluidité. Certains “j'veux du cuir” ou “des gnoms pour des pelles” ne sont pas faciles à contextualiser. 

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Commentaires: 1
  • #1

    Ju Lie (mercredi, 17 avril 2019 07:13)

    Génial de vous retrouver dans cette Auberge qui vous va si bien !!!
    Heureuse de suivre encore une nouvelle fois vos aventures qui nous projettent un peu tout près de vous <3
    Belles énergies et énormes bizoux :)