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La Via Egnatia act 3 : des promesses

Nous sommes à Thessalonique depuis plusieurs semaines et nous venons de passer quelques jours de vacances en Chalcidoine (prononcé Calcidoine et en grec Halkidiki) avec deux amies. La plage et le farniente. Il y a des années que je n'avais pas fait cela. Alors, oui. C'était délicieux. Maintenant il me faut revenir sur ces six semaines qui viennent de s'écouler. 

Il restait 200km à parcourir en Grèce sur la via egnatia. 200km pour découvrir un nouveau pays. Cela veut dire retrouver "l'Europe" mais nous comprenons que le grec est plus oriental qu'européen sous quelques airs aseptisés.

Cet épisode est marqué de nouveauté, de douleurs et bien sur de belles rencontres. 


Scène 1 nouveautés


Une nouvelle langue. C'est toujours l'alphabet cyrillique mais en plus étoffé. Quatre i différents, deux "T", 3 "O" et j'en oublie sûrement. Mais le resultat final de cette association de phonème est très agréable à entendre. Il faut apprendre tous les nouveaux mots du quotidien. Il y a bien sur, les formules de politesse. S'ajoutent les mots qui contribuent à notre subsistance. Ceux qui nous présentent et nous représentent. Les chiffres sont très importants. Ça c'est un turque, fidèle à sa fibre commerciale qui me l'a appris et démontré. Et puis ceux qui nous sont spécifiques comme tout le lexique en rapport au chien (os, bon chien, viande, etc..). Au total c'est à chaque fois cinquante nouveaux mots. Notre cerveau a pris l'habitude de les assimiler rapidement et quelques jours suffisent pour les apprendre et les utiliser à bon escient. 

La langue grecque est très conceptuelle. On le découvre avec le terme "malaka" (accentué sur la deuxième syllabe). Les grecs l'utilisent, le plus souvent, pour donner des noms d'oiseaux à celui ou celle qui lui chatouille son caractère sanguin. Quand ils se retrouvent entre amis c'est aussi le nom qu'ils utilisent pour se témoigner de l'affection.

Ils adorent se retrouver à la terrasse d'un café pour jouer au backgammon tout en philosophant sur la politique. La boisson nationale c'est le café frappé décliné sous toutes ses formes. Comme ils en boivent tout le temps, ils le prennent souvent à emporter, ce qui veut dire gobelet plastique, couvercle plastique et paille en plastique... Avec beaucoup de sucre bien sur. L'ouzo c'est pour les anciens. Les irréductibles. Là aussi à tout moment de la journée. Bref vous l'aurez compris, ce sont des cocottes minutes, les grecs. 


Au passage de la frontière nous nous attendions à un contrôle scrupuleux de l'historique medical deKhali, retour en union européenne oblige. Mais quand nous avons présenté notre passeport, le douanier avait l'air d'abord surpris de voir des françaises, puis d'un geste nonchalant de la main, il nous indique que l'on peut passer. Nous avons insisté sur le fait d'avoir un chien, comme pour justifier tout le temps passé chez le vétérinaire. Haussement d'épaules et mouvement continue de la main. Cet Europe c'était comme un spectre. Beaucoup de personne nous en parlait comme un avenir inévitable mais pas forcément favorable. Ils savent qu'une nouvelle guerre est impossible, donc pour eux c'est plus une arnaque économique plutôt qu'une promesse à la stabilité. Et ils ne sont pas naïfs, la politique n'est plus un moyen d'améliorer leur conditions. Alors ils ne sont pas confiants. Voirs ils sont méfiants. En Grèce c'est la même chose et leur expérience ne fait que renforcer cette idée. Alors n'allons pas tenter de leur expliquer qu'il faut payer des impôts ou leur faire une leçon d'économie pro-libérale. Dans les deux cas ils vomiraient tout un tas de "malaka!!!".

Encore un mot d'économie et on revient à nos ressentis. Quelques chiffres officiels d'abord. Salaire moyen 600 euros. Prix de l'essence 1 euro et soixante cents et loyer au minimum à 400 euros. Je suis pas économiste mais le calcul est vite fait. Comment font ils pour vivre?  Retirer encore les cafés en terrasse et les cigarettes. Il ne reste plus rien. L'explication nous est apparu après nos premiers passages à l'épicerie. Tu as le choix entre: payer tout en cash à prix réduits, ou, tu règles une partie de tes achats en carte exceptés quelques produits en cash mais cette fois ci au prix réel, ou alors, tu veux tout payer avec ta carte et tu renonces aux produits qui ne passent en caisse et tu te fais traiter de "malaka". Il y a réellement une économie parallèle qui prospère. C'est certes illicite mais ca fait partie du consensus dans cette société usurpée. Alors j'imagine que ce qui est vrai dans le commerce, est vrai dans chaque filière. Chacun y va de sa petite combine. 

Voilà la Grèce c'est un joyeux bordel. Les motards ne portent pas de casque, la ceinture en voiture sert de support au toile d'araignée,  la police roule en moto sur les trottoirs, en ville c'est une vrai jungle. Des autorités non respectés, une mentalité au jour le jour et on aime ça. 


Scène 2: une trouvaille


Nous emportons avec nous le plus beau des souvenirs. Ca commence au bord d'un lac. Après une journée harassante, j'ai fini par jeter mon sac par terre et sortir le drapeau blanc. Vous savez, ces moments dans la vie où vous vous posez la question "mais qu'est ce que je fais là? ". Je laisse à Laura et Khali le soin de nous trouver une place pour dormir. Notre tente, bien que réparée, ne nous laisse plus la possibilité d'affronter une nouvelle tempête. Et pour les jours suivants la pluie et le vent s'étaient invités. Il ne leur fallait pas longtemps pour nous trouver un abri quatre etoiles. Le lac a connu une prospérité touristique dans les années 90 alors des maisons abandonnées, ce n'est pas ce qui manquent. Là il s'agissait d'une sorte de guinguette, autrefois surement très charmante, avec son accès au lac et son terrain de jeu pour enfants. Les lampions accrochés aux arbres devaient surement éclairés avec douceur toutes les soirées. Mais aujourd'hui il ne reste plus que quatre murs, un toit et un patio. C'était parfait pour improviser notre campement. Très vite un espace cuisine, sanitaire et sommeil se dessinent, nous qui sommes devenues de brillantes architectes de l'éphémère et de la mobilité. Il ne nous reste plus qu'à attendre, observer les nuages menaçants et se reposer. Pour se détendre rien de tel qu'une promenade au bord du lac. Et c'est là que nous rencontrons cinq kilos de chairs abandonnées, animées par une âme attachante et maline. Aux premiers regards je comprenais qu'elle nous suivrait. Il fallait encore convaincre Laura qui était dans le doute, trop peur de devoir s'en séparer plus tard. Était elle pucée?  Allait elle supporter de marcher vingt kilomètres par jour avec seulement trois pattes? Son état de santé?  Son caractère?  Toutes ses questions nous allions trouver des réponses avec le temps,  mais là il fallait prendre une décision. Prendre un risque pour connaître sa vérité. Elle est débrouillarde ça ne fait aucun doute. Peureuse aussi, mais ca se comprend. Affamées, en manque d'affection. Dès les premiers jours l'évidence a effacé nos doutes et même s'il reste encore beaucoup de questions sans réponse, nous étions convaincues d'avoir fait le bon choix. À la première ville, le vétérinaire officialisait l'adoption et nous a conforté sur son état de santé. Maya fait désormais partie de notre caravane. Khali et elle se sont apprivoisés sans violence. Chacun a trouvé sa place. Elle est une véritable mascotte et Khali a désormais toute sa tranquilité. C'est elle vers qui les gens s'arrêtent. Et les belles rencontres s'égrènent. 


Scène 3 dysfonctionnement


Encore une mauvaise experience de woofing pourtant prometteuse et nécessaire. Laura, de retour en France pour plusieurs jours, il nous fallait trouver une place où se poser pour plus de facilité. Conjuguer nos besoins avec l'opportunité de se rendre utile tout en apprenant quelques choses telle était cette promesse. Mais quand elles sont tenues par une personne dont les intérêts personnels priment avant tout, les jours passent, et l'envie de bien faire disparait. Nos valeurs ne sont pas respectées et cet homme si toxique m'étouffe. Avec deux sacs, deux chiens et sans autorisation d'accès au transport en commun, difficile de reprendre la route. Il fallait être patiente. Jouer les bons petits soldats. Mon corps a fini par jeter l'éponge avant ma raison. Ou plutôt elle a fait entendre sa démission à travers mon corps. Je n'avais rien à faire chez lui. Alors le soir de mon anniversaire, ma chair a tremblé pour me secouer. Et une fois le mal fait,  je ne pouvais me dérober de la fuite. J'ai subi pendant la nuit la douleur du calcul rénal qui cherche a s'échapper de mes reins. Les jours qui ont suivi je n'ai fait que dormir. Puis n'allant pas mieux, sans énergie, sans envie et avec la douleur, je me décidais à aller voir un médecin. Bye bye les jérémiades et les pleurs. Ciao la feignasse. Il ma déposé à Thessalonique et Maya avec sa grandeur d'âme lui offrait un cadeau pour le remercier. Un beau vomi sur son tapis. 

Je me suis enfin soignée. Reposée, étirée méditée. En une semaine je retirais ce mal de mon corps capricieux et j'en tirai des leçons. 


Nouveau départ 


Laura était de retour. Pour l'usage j'avais des questions sur son séjour et elle devait me raconter ses retrouvailles. Mais moi j'avais surtout un nouveau plan et nous devions en débattre. Je suis fatiguée de porter mon sac. La marche m'a usé plus vite que je pensais. C'est dur d'accepter, mais ca fait partie du voyage. Grandir, s'écouter et s'apprendre avec humilité. Nous allons tenter de continuer l'aventure à vélo. De tout façon nous n'aurons pas assez d'argent pour arriver au bout en marchant. Le vélo nous fera aller deux fois plus vite pour le même temps. C'est un bon compromis mais de nouveaux efforts à fournir. 

Mais nous partons sereine. Parmis notre lexique, il y a une expression de base qui nous représente bien et qui correspond bien à la culture des balkans: doucement,  doucement… 

Siga, siga chez les grecs 

Avache avache en albanie

Polako, polako pour les langues slaves

Piano, piano pour les italiens. 

Et après avoir dit cela,  tout le monde sourit et comprend mieux pourquoi nous avons choisi de vivre cette aventure. 




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Commentaires: 3
  • #1

    Sylvaine (lundi, 19 août 2019 16:47)

    Je viens de lire les dernières aventures ! Courage les filles! Autour de la méditerranée , à vélo, on dépasse les autos, à vélo, autour de la Méditerranée, on dépasse les taxis !
    Bisettes
    Sylvaine

  • #2

    Caroline (samedi, 05 octobre 2019 16:28)

    Coucou les filles,
    je pense à vous et puis je cours dans tous les sens.... Je pense à vous et puis c'est les vacances.... je pense à vous et Septembre recommence... je pense à vous et vous écrire est une urgence... Stop! Message hier sur mon répondeur dont la voix m'est familière!
    Hasard ou erreur mais signe indiscutable de notre connexion ! Effacer la mise entre parenthèse et vite vous lire pour rattraper le temps suspendu, prendre de vos nouvelles, succomber une fois de plus à la beauté des images et voyager au gré des pages.... Message court mais prévision d'un retour...anticipé, imprévu ou définitif?
    Nous vous attendons avec impatience et espérons organiser retrouvailles au collège avec élèves de 4° (ex 6°) et 3° (EPI Soyons citoyens), photos à l'appui et histoires au coin du feu pour partager encore votre aventure!
    De grosses bises au couleur de l'Automne à vous 2 + 2 pour faire le plein d'énergie !
    Caroline

  • #3

    Fôtes (samedi, 05 octobre 2019 16:36)

    ...s ...x .....s ...